Réglementation européenne et FPV, quelques questions à Helicomicro

Notre confrère d’Hélicomicro, Fred Botton, vient de sortir un article sur l’impact de l’application de la réglementation européenne sur le FPV. Comme d’habitude, son travail fouillé et précis permet de vulgariser nos obligations légales. À ce titre, je ne saurais que vous conseiller de le lire. Cet article a suscité dans mon esprit de pilote FPV quelques questions. Nous avons donc décidé d’en réunir quelques-une en plus et d’essayer d’y apporter les réponses.

Quid des déclarations de vol en catégorie Ouverte ? Comment les faire, comment s’y former ?

Pour exploiter un drone de plus de 250 grammes en catégorie Ouverte, il faut suivre la formation A1/A3 en ligne, passer l’examen et le réussir. Ce n’est pas obligatoire avec un drone de moins de 250 grammes, mais cela reste fortement recommandé pour prendre connaissance de la réglementation. Si le drone est équipé d’une caméra, et c’est forcément le cas pour un drone FPV, il faut aussi se déclarer en tant qu’exploitant UAS sur AlphaTango, puis apposer le numéro d’exploitant UAS sur le drone avec une étiquette.

L’étiquette exploitant UAS, ça vaut même pour un tinywhoop ?

Oui. S’il a une caméra, qu’il pèse 40 grammes ou 10 kilos, il faut l’étiquette. Ça semble assez ridicule dans le cas d’un whoop, mais c’est comme ça.

Et le BAPD, ça sert à quoi ?

Le BAPD (Brevet d’Aptitude de Pilote à Distance) est requis pour un usage très précis : celui d’un drone de classe C2 en sous-catégorie A2. Il faut pour cela passer l’examen OPEN.A2 en centre ou en ligne de manière surveillée, et attester d’une auto-formation. Sans avoir passé l’OPEN.A2, un drone de classe C2 s’opère en sous-catégorie A3.

Est-ce qu’il existe ou existera des drones FPV conforme à la réglementation européenne de classes C1,C2 et C3 ?

Pas tout de suite… Parmi les requis imposés au constructeur d’un drone C1, C2 ou C3, il y a des exigences techniques peu compatibles avec la dotation d’un drone FPV. Par exemple, il faut une fonction de géovigilance qui prévient le pilote lorsque le drone pénètre une zone interdite. Cela suppose la présence d’un GPS, d’algorithmes qui testent en continu la position du drone et la confrontent à des cartes. Il faut aussi une identification électronique à distance, autrement dit une balise de type wifi qui émet une sorte de carte d’identité dynamique du drone et de son exploitant, en continu.

Est-ce qu’il y aura des drones FPV avec indication de classe dans les prochaines sorties de DJI ?

Je n’ai pas d’indiscrétions de la part de DJI sur le sujet. Mais c’est fort possible, puisque DJI est le constructeur le plus avancé dans les procédures de certification et que ses drones FPV, le DJI FPV et l’Avata, sont techniquement capables d’être conformes aux requis des classes C1, C2 ou C3. Je n’ai malheureusement aucune information concernant la certification des modèles existants de manière rétroactive, encore moins concernant des modèles à venir.

Est-ce que d’autres constructeurs vont proposer des drones FPV avec indication de classe ?

Probablement, mais cela va prendre du temps. Il faut de toutes manières des constructeurs avec des reins solides pour produire des drones C1, C2 ou C3 puisque la certification de chaque modèle doit passer par un organisme notifié, autrement une société habilitée à certifier et qui endosse la responsabilité de cette certification. La procédure est coûteuse.

Un drone DIY, c’est quelle classe dans la réglementation européenne ?

Lorsqu’il est assemblé à partir de pièces de différentes provenances, c’est un drone sans classe, « construit à titre privé », utilisable en sous-catégories A1 ou A3 selon son poids et sa vitesse maximale.

Pour un drone « construit à titre privé », tu mentionnes dans ton article qu’il « évolue en sous-catégorie A1 s’il pèse moins de 250 grammes ET que sa vitesse maximale est inférieure à 68,4 km/h = 19 m/s ». Qu’est ce qui garantit la vitesse max ? Une mesure de vitesse ? Une limitation des gaz ou sortie moteur dans BF ? Et quid des éléments extérieurs que le firmware ne compensera pas ?

C’est le constructeur, toi, qui le garantit ! Evidemment, personne ne va s’amuser à se lancer dans des calculs savants qui nécessiteraient des tests en laboratoire. Le principe est assez simple. Si tu as un doute et que tu supposes que le drone peut dépasser la vitesse maximale dans des conditions d’usage normales, il faut le considérer comme à exploiter en sous-catégorie A3. Il n’y aura probablement jamais de contrôle de la vitesse par les forces de l’ordre sur le terrain, c’est difficile à faire. Sauf peut-être à disposer d’un DVR avec une indication de la vitesse. Attention tout de même, c’est le constructeur, donc toi, qui endosse la responsabilité en cas de souci. Sur un accident, par exemple suite à un vol au-dessus de personnes, il peut t’être reproché d’avoir manifestement sous-évalué la vitesse. C’est une donnée à laquelle un assureur va s’intéresser de très près s’il y a des indemnisations importantes en jeu.

« un UAS assemblé ou fabriqué pour l’utilisation personnelle du constructeur » : est-ce que cette notion d’utilisation personnelle du constructeur exclut l’utilisation pro ?

Non, l’utilisation personnelle peut être à titre de loisir ou à finalité professionnelle, puisque la réglementation européenne ne fait pas la différence.

Les drones de classe C5 nécessitent un mode basse vitesse. Ça ne va pas compliquer l’usage FPV et le réserver à des sociétés avec des épaules larges qui développent des firmwares de vol alternatifs à Betaflight ?

Si, c’est très probable. Un drone de classe C5 a de nombreux requis peu compatibles avec des drones FPV. Ce n’est pas impossible, mais il faut embarquer une électronique avec des capteurs et un firmware qui soient en mesure d’assurer la conformité avec la réglementation européenne. Pour des appareils haut de gamme, de type Cinelifter, j’imagine que tout est envisageable. Evidemment, le coût risque d’être élevé.

Et pour les drones C5 en STS ? Est ce qu’un profil rate activable via un switch dans lequel une limitation des RPM moteur ou un scale gaz constituent un mode basse vitesse ? Quid des éléments extérieurs qui feraient dépasser la limitation de vitesse sans que le firmware le compense ?

Je n’ai pas la réponse. Les drones C5 sont en catégorie Spécifique, pour un usage plus risqué qu’en catégorie Ouverte. Il faut se mettre dans la perspective d’un incident ou d’un accident. S’il est démontré que le mode basse vitesse n’était pas suffisamment efficace pour être conforme et que cela a pu avoir un impact, la responsabilité du constructeur est engagée. Donc dans le cas de la classe C5, je dirais qu’il faut un mode basse vitesse efficace, et ça semble compliqué avec un firmware comme Betaflight, même s’il y a peut-être possibilité de créer des forks conformes. Je suppose que s’il y a une demande, les équipes de développement de firmwares comme Betaflight ou Inav vont proposer des Pull Requests.

Plus globalement, je trouve assez étrange et illogique qu’aucun organisme tiers ne valide la certification sur les drones qui évoluent dans les conditions les plus dangereuses. Je ne comprends pas ce choix qui reporte la responsabilité sur les pilotes et les constructeurs, contrairement au C1 à C3, pour lequel les fonctionnalités ont été testées et validées par un tiers.

Oui, ça peut paraitre un peu bizarre. Mais les appareils de classes C5 et C6 sont prévus pour des environnements très cadrés, avec les scénarios STS, destinés à réduire les risques. Ces deux classes ne sont pas trop adaptées à l’usage d’un drone FPV.

Une formation pratique S1-S3 et un CATT donnent la possibilité, sans être exploitant soi-même, de travailler avec un spotteur qui est exploitant et qui déclare les vols. Le spotteur étant obligatoire, en indé, ça me semble être une solution qui permet de faire du S3 jusqu’à fin 2025.

Absolument. Un exploitant disposant des qualifications pour piloter en S-1 et S-3, en qualité d’observateur, peut embaucher un pilote en immersion qui n’en dispose pas. C’est une particularité réglementaire étonnante, mais confirmée par la DGAC.

Pour un drone de plus de 800 grammes, il faut un enregistrement du drone et une balise ?

Oui, dans le cas d’un usage en France. Les drones de plus de 800 grammes en ordre de vol, doivent avoir été enregistrés sur AlphaTango. On obtient un numéro d’enregistrement qui doit être apposé sur le drone avec une étiquette. Il faut aussi ajouter une balise pour diffuser le signalement électronique à distance. C’est valable pour un drone avec indication de classe, sans classe, construit à titre privé, dès le moment où il pèse plus de 800 grammes au décollage.

Et l’identification électronique à distance européenne ?

Ce requis est imposé aux drones de classes C1, C2 et C3. Les drones sans classe mis sur le marché avant 2024, ceux construits à titre privé, et de classes C0 et C4 en sont dispensés.

Si on désire voler avec un drone sans classe avec un PDRA, il en faut un pour chaque prestation ?

Je n’ai pas la réponse officielle, je ne m’avance pas sur le sujet.

Comment faire quand on a un doute sur l’interprétation des textes de la réglementation européenne ?

L’un des réflexes consiste à aller consulter les moyens acceptables de conformité (AMC), publiés par l’EASA. Ce ne sont pas des textes réglementaires, mais les bonnes pratiques qui, si on s’y tient, sont réputées assurer la conformité aux exigences réglementaires. Elles sont rédigées en anglais uniquement et mises à jour régulièrement. Ensuite il est recommandé de poser la question à l’antenne locale de la DSAC.

Si un de nos abonné compte s’acheter un Darkstar20 de GePRC, mais il n’est pas classé. On est en 2024, ça veut dire qu’il ne peux pas utiliser ce drone sans classe ?

Si, c’est prévu par la réglementation européenne ! Elle interdit l’usage d’un drone sans classe mis sur le marché après le 1er janvier 2024, et définit « mis sur le marché » comme « la première mise à disposition d’un produit sur le marché de l’Union ». Un drone mis sur le marché avant le 1er janvier 2024 reste utilisable en catégorie Ouverte. Comme le Darkstar20 a été mis sur le marché en octobre 2023, il reste utilisable en catégorie Ouverte bien qu’il soit sans classe. Il est exploité en sous-catégorie A1 parce qu’il pèse moins de 250 grammes. Un Helion de iFlight, par exemple, reste utilisable parce qu’il a été mis sur le marché en décembre 2023, en sous-catégorie A3 parce qu’il pèse plus de 250 grammes.

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